Scorcese renoue avec le scénariste de Taxi Driver et donne un autre portrait saisissant de la métropole américaine, présentée encore une fois comme le territoire d’un véritable cauchemar urbain. L’action se situe à l’ouest de la 8e Avenue dans le quartier mal famé de Hell’s Kitchen, au début des années 1990, juste avant le grand nettoyage du maire Giuliani. Pour illustrer la quête de rédemption d’un authentique anti-héros, désarmé contre la douleur envahissante de ceux qu’il veut secourir, le récit l’oppose à des personnages qui parviennent tout de même à survivre dans cet enfer; Mary se laisse tenter par les paradis artificiels mais elle en sort; les proches collaborateurs de Frank prennent aussi leur distance avec leur travail, qui dans une froide indifférence (John Goodman), qui dans un mysticisme exacerbé (Ving Rhames), qui dans un cynisme névrotique (Tom Sizemore); le personnel de l’urgence d’un hôpital judicieusement baptisé Our Lady of Perpetual Mercy réussit malgré tout à contenir un déferlement d’infortunes qui pourraient assurément détourner plusieurs jeunes de la vocation médicale. Sans aucune complaisance dans la peinture de certaines horreurs (scènes de meurtres sanglants, blessé empalé sur une rampe de fer, fou furieux s’infligeant des blessures, accouchement vécu dans des conditions sordides), Scorcese ne ménage pas le spectateur. Mais en définitive, le tableau laisse au moins entrevoir une lueur au bout du tunnel et nous sommes loin d’oeuvres moins sereines comme Taxi Driver (classé 13 ans et plus) : ici, le protagoniste est un être pur bien différent du marginal et solitaire Travis Bickle et il trouve sa rédemption non pas dans un geste assassin au service de la vertu, mais dans une relation humaine altruiste. Néanmoins, le climat oppressant du film et l’évocation de certaines violences exigent un début de maturité. Le jury accorde le classement et l’indication appropriés.

15 octobre 1999

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