Synopsis
Brian Kessler (David Duchovny) est persuadé que les tueurs
en série peuvent être réhabilités car, selon lui, leur
comportement est déterminé par des éléments extérieurs à
leur personnalité : contexte familial, social, etc. Avec
son amie Carrie (Michelle Forbes), artiste-photographe de
sujets à caractère érotique, il entreprend une recherche
et espère, au terme de son enquête, publier un ouvrage sur
ces théories. Leur but est de visiter les lieux où furent
commis des meurtres en série et, ultimement, se rendre en
Californie. Incapables toutefois de financer entièrement
leur périple, ils recrutent, par le biais d'une petite
annonce, un couple intéressé à les accompagner en
partageant leurs dépenses. Early Grayce (Brad Pitt) et sa
petite amie Adele (Juliette Lewis) se joignent à eux. Ces
deux couples que tout sépare (éducation, culture) quittent
la Pennsylvanie à bord d'une vieille voiture. Raffinée,
Carrie n'apprécie guère les manières frustes d'Early et
l'observe avec méfiance. À la sortie du Crest Motel, le
plein d'essence doit être fait, il appartient à Early de
régler la note. Sans le sou, ce dernier repère un client
dont le portefeuille semble bien garni. Il l'élimine, lui
prend son argent et poursuit sa route. Les deux jeunes
femmes font plus ample connaissance; Adele avoue avoir été
violée à 13 ans et, même si elle est parfois battue par
Early, elle se sent en sécurité auprès de lui. Révoltée,
Carrie tente de convaincre Adele de ne jamais accepter
cette violence. Pour s'amuser, Early apprend à Brian à
utiliser un revolver. Au Texas, Carrie, fine observatrice,
s'inquiète de l'attitude peu rassurante d'Early et refuse
de poursuivre le voyage avec lui. Au moment où les médias
révèlent qu'Early est recherché pour meurtre, ce dernier
abat un témoin et entraîne Brian et Carrie comme otages.
Brian tente en vain de comprendre les motivations d'Early.
Au Nevada, ce dernier élimine deux policiers à ses
trousses. Plus tard, chez un couple âgé, Early supprime le
mari, puis Adele qui s'oppose à ses crimes. Lorsque Early
menace Brian, Carrie s'offre en monnaie d'échange pour
sauver la vie de son ami. À la frontière de la Californie,
Brian retrouve Early et, après une violente bagarre, n'a
d'autre
alternative
que
d'achever
le
tueur.
Rétrospectivement, Brian conclura : le «remords» et la
«conscience» nous différencient de ces gens.
.../2
- 2 MOTIFS :
Ce premier long métrage du réalisateur américain Dominic
Sena
s'est
vu
décerner
le
prix
de
la
meilleure
contribution artistique, ainsi que le prix de la FIPRESCI,
au Festival des films du monde en 1993.
Un film ayant comme point de départ l'étude du phénomène
des tueurs en série et dont l'un des personnages
principaux est une photographe d'images érotiques peut, à
première vue, constituer un amalgame explosif. Aussi une
analyse rigoureuse de l'ensemble de ces données s'imposet-elle.
Le
propos
initial
du
récit
n'est
que
parcimonieusement développé. Le film se limite à montrer
les
agissements
d'un
tueur,
sans
approfondir
la
psychologie du personnage. Early tue pour de l'argent et
parce qu'on l'empêche de poursuivre sa route. Il nous est
immédiatement présenté comme un être abject. D'autre part,
Carrie, dont le rêve est d'exposer ses oeuvres dans une
galerie d'art, est perçue comme une jeune femme équilibrée
et lucide. Parce que son métier l'entraîne à observer la
réalité, elle saisit, bien avant Brian, le risque que
représente Early. Le spectateur épouse totalement le point
de vue de Carrie, qui sera repoussée puis révoltée par
Early et sidérée par l'inconscience d'Adele. Certes, le
film accumule les éléments dramatiques et crée une tension
qui
ira
en
s'accentuant
jusqu'au
dénouement
où...
ultimement le bien triomphe du mal. Sur le plan graphique,
les nombreux meurtres commis par Early ne cèdent pas à la
complaisance. Le premier n'est que suggéré : le spectateur
devine à quelle fin Early creuse cette fosse, mais il n'en
aura la confirmation que plus tard. Le meurtre le plus
ignoble a lieu à la station de service. Toutefois, grâce à
un montage très rapide, le spectateur ne verra que la lame
du couteau, puis le sang par terre. Lorsque Early élimine
un témoin gênant, il utilise un oreiller comme écran; suit
un plan où les plumes virevoltent dans l'espace. Les
meurtres des deux policiers sont filmés en plans moyens.
Le réalisateur procède par ellipses pour la fin d'Adèle et
celle de l'homme au télescope. La violence la plus
explicite survient au moment où Carrie doit se défendre et
où Brian n'a d'autre choix que d'abattre Early. Les
éléments pseudo-érotiques du film demeurent, pour leur
part, dans le registre d'une certaine subtilité. Les
personnages ne sont jamais dévêtus lors de leurs (rares)
ébats amoureux. Les photos prises par Carrie relèvent
d'une recherche esthétique et intellectuelle. Cependant,
lorsque Early déchire l'une de ces photos pour y
introduire sa langue, le symbolisme du geste n'échap .../3
- 3 pe à personne. Par ailleurs Adele ne mentionne que
furtivement le viol dont elle fut l'objet et aucune image
ne vient appuyer ses propos.
Ce film tente d'analyser le phénomène de la violence à
travers le regard d'un jeune homme aux idées libérales et,
à la limite, naïves. Celui-ci perçoit les tueurs comme des
êtres immatures, inadaptés à la société et donc récupérables. D'autre part, le personnage pathétique d'Adele se
fabrique un univers qui ne peut que s'écrouler au moment
où elle affronte la réalité. Tous deux perdent leurs
illusions au contact d'Early. Si le processus d'analyse de
la violence ne va pas aussi loin que nous l'aurions
souhaité, si certaines questions demeurent sans réponse,
la condamnation de cette violence est cependant sans
équivoque.
Après avoir longuement réfléchi sur tous les éléments de
ce film, le jury estime qu'à partir de 16 ans, un
spectateur a acquis la maturité et le discernement
nécessaires
pour
assister
à
cette
production.
En
conséquence, le classement «16 ans et plus» (assorti des
indications «Violence et langage vulgaire») est attribué.